mercredi 19 novembre 2014

Sénégal-Allemagne: Interview avec Sileymane Sokome, auteur du livre « Les effets de la mondialisation sur le développement économique des pays de l´Afrique subsaharienne l´exemple du Sénégal »

 
Sénégalais, Monsieur Sokome (photo) est diplômé de sciences politiques, option politique et économie, de l´université de Francfort-sur-le-Main en République fédérale d’Allemagne. Il est également titulaire d´un master en droit européen et international LL.M. de l´institut européen de l´université de Sarre (Allemagne) et d´un diplôme de droit français de l´université Lumière Lyon 2 en France. Il a travaillé dans des ONG et cabinets d´avocats allemands avant de servir son pays, notamment à l´ambassade du Sénégal à Berlin. L´auteur réside présentement à Berlin où il est consultant Juridique et Politique.  
Monsieur Sokome vous venez de publier votre premier ouvrage intitulé « Les effets de la mondialisation sur le développement économique des pays de l´Afrique subsaharienne l´exemple du Sénégal » aux éditions edilivre.com á Paris. Pouvez-vous présenter votre livre à vos futurs lecteurs ?
Oui volontiers. Mon livre analyse les effets de la mondialisation sur l´économie des pays de l´Afrique subsaharienne à l´exemple de mon pays le Sénégal. L´ouvrage se consacre aux problèmes économiques, politiques et sociaux auxquels le continent africain en l´occurrence le Sénégal est confronté des faits de la mondialisation. En Afrique, tandis que la croissance économique est à la hausse, bon nombre d´Africains croupissent encore dans la misère la plus absolue et la jeunesse africaine est dispersée aux quatre coins du monde à la recherche de lendemains meilleurs. D´ailleurs je dédie mon livre à cette brave jeunesse qui, malgré tous les obstacles de la vie, ne cesse de se battre pour un meilleur avenir. L´émigration reste ce qu´il y a de mieux pour cette jeunesse malgré l’importance des richesses naturelles du continent africain. À tous ces jeunes Africains qui, pour échapper à la misère et aux autres effets pervers liés á la mauvaise gouvernance au niveau national et mondial, ont pour seul recours le désert du Sahara, les barbelés de Melilla et Ceuta ou le large de Lampedusa pour rejoindre « l´eldorado ». Je rends un vibrant hommage à tous ces disparus ou rescapés. Dans mon ouvrage, je ne fustige pas la mondialisation en tant que telle, mais la manière dont elle est gérée en Afrique par ses acteurs avec la complicité de nos élites et les institutions financières internationales. Mon ouvrage de 252 pages est le produit de trois années de recherches. Une recherche donc purement scientifique avec des illustrations et des chiffres à l´appui.
Quelles sont les motivations qui vous ont poussé à rédiger un tel ouvrage et quel message avez-vous voulu transmettre à travers votre livre?
L´une des principales motivations de ma recherche se justifient d´abord par la volonté d´éclairer l´opinion publique nationale et internationale sur les raisons pour lesquelles malgré autant de ressources naturelles et d´investissements étrangers et nationaux, le continent africain reste encore dans une situation désolante dans ce contexte de mondialisation. L´Afrique d´aujourd´hui est confrontée à des problèmes qui interpellent tout Africain. Donc en tant que jeune africain, je n’ai pas droit au mutisme, il fallait prendre la plume pour dénoncer l´injustice que subit l´Afrique et sensibiliser l´opinion publique ainsi que les générations présentes et futures. Le principal message véhiculé dans mon livre est donc un message de prise de conscience et d´espoir. Prise de conscience, car il est temps que l´Afrique se réveille. Espoir, car le continent a de l´avenir si on se met au travail dès à présent. De mon point de vue et indépendamment de la religion, l´avenir n´est pas ce qui arrive mais c´est ce que nous faisons présentement comme pour dire c´est en forgeant qu´on devient forgeron. On doit se mettre au travail et pour cela l´Afrique a besoin des citoyens courageux, disciplinés, travailleurs et indépendants intellectuellement, pour son émergence. C´est un message que je lance à la classe politique, aux jeunes et intellectuels africains pour qu´ils ouvrent les yeux.
Justement dans la conclusion de votre livre, vous parlez de l´émergence probable de l´Afrique. Croyez-vous sincèrement à l´émergence de l´Afrique ? Vous décriez aussi dans votre livre  le fait qu’en Afrique les secteurs économiques les plus importants soient contrôlés par des étrangers, et que les Africains dépendent largement de ces derniers, alors selon vous quelle est la solution à ce problème ?
Oui je crois fermement à l´émergence de l´Afrique. Nous avons tout ce qu´il faut en Afrique, mais à condition que l´Afrique soit d´abord souveraine sur tous les plans. Par exemple, la Chine et le Japon, par des méthodes efficaces et différentes, se sont attaqués aux causes du sous-développement dans leur enracinement structurel en misant sur une atténuation de la dualité de structures et une plus grande indépendance de la nation. La souveraineté nationale d´un État est indispensable pour bâtir une société émergente et cela fait défaut à l´Afrique pour le moment (je ne parle pas de l´indépendance théorique). La solution c´est de croire et d’avoir confiance en nous mêmes. Personne ne développera le continent à notre place. Il faut que cela soit clair dans nos esprits. L´Afrique doit penser à son développement en le voulant et en le mettant en œuvre. 
Qu’entendez-vous par mondialisation puis que c´est un mot qui revient plusieurs fois dans votre livre?
(Rires). Il est difficile de trouver une définition exacte de la mondialisation. Parce que définir le concept peut être une tâche ardue dans la mesure où le phénomène est un vaste champ de recherche et donc par essence controversée et discutable. Il n´y n’a pas encore une définition canonique du terme dans tous les livres consultés durant ma recherche. Néanmoins, la mondialisation bien qu’étant un sujet d´actualité depuis quelques années, n´est pas un phénomène nouveau. La terminologie est peut-être nouvelle, mais les traces du phénomène remontent loin dans l´histoire. Seulement l´ouverture des économies mondiales d´aujourd´hui diffère de celle d´autrefois. C´est pourquoi la mondialisation reste toujours un sujet d´actualité.
Quels sont les effets de la mondialisation sur le développement de l’économie des pays de l’Afrique subsaharienne ?
La mondialisation sourit au continent car elle existe bien en Afrique et certains pays sont prêts à exploiter les bénéfices possibles de la libération de l´économie mondiale avec des taux de croissance économique extrêmement forts. La mondialisation a permis aussi à l´Afrique de diversifier ses partenaires et ses produits. On note également de nouveaux acteurs de coopération comme la Chine, l´Inde, le Japon, la Russie, la Turquie et les pays de l´Amérique latine qui interviennent sur le continent africain. La participation de l´Afrique à l´économie mondiale a ainsi fortement augmenté ces dernières années aussi bien du point de vue du PIB des pays africains, de leurs exportations respectives que des investissements directs étrangers reçus, même si l´Afrique cherche toujours à mieux s´intégrer dans l´économie mondiale. D´ailleurs, le continent africain est la seule région du monde dont la croissance économique s´accélère au lieu de régresser comme partout ailleurs. Ensuite, l´Afrique est la deuxième zone géographique la plus dynamique, avec plus de 5,4 % de croissance, derrière l´Asie émergente qui enregistre 6 %, tandis que la zone euro ralentit avec 0,6 %. Même l´Allemagne qui est la première puissance économique européenne n´enregistre pas depuis des années un taux de croissance économique de plus de 2%.
Donc en résumé, l´Afrique est bien mondialisée. Mais des facteurs internes et externes qui ne sont pas compatibles avec la libération des marchés freinent le développement du continent. Le problème c´est que l´Afrique gère mal la mondialisation avec la complicité de ses acteurs.  
Concernant les multinationales opérant en Afrique. Vous parlez dans votre ouvrage « des multinationales étrangères insoucieuses du développement du continent », ne pensez-vous pas qu’il est temps pour les pays africains de renationaliser certains secteurs de leurs activités économiques respectives telles que les hydrocarbures, l’eau, l’électricité, les mines et les télécommunications etc. et d’intégrer davantage les privés nationaux dans l’investissement financier ?
Le problème pour moi ce n´est pas de lutter pour la disparition des multinationales ou la renationalisation des sociétés en Afrique, mais de réguler leurs comportements face au respect des normes environnementales, fiscales, sociales ou des droits de l’homme. Plus que ces respects, c´est l´accumulation des bénéfices qui intéresse les firmes internationales opérant en Afrique. Certaines multinationales viennent faire leurs affaires en Afrique sans se soucier de la bonne gouvernance ni de l´État de droit encore moins du respect des lois sociales, fiscales et environnementales des pays d´accueil. Elles pratiquent du lobbying au plus haut sommet de l´État pour masquer toute violation flagrante des normes juridiques, fiscales ou environnementales. Et c´est ce que je dénonce dans mon livre.
Peut-il y avoir une gouvernance communautaire au plan économique et financier à l’échelle africaine en dehors du cadre des institutions de Bretton Woods ?
Oui il est tout à fait possible mais cela dépend sûrement de la volonté de nos dirigeants politiques. Pour y arriver, il faut que la volonté et l´intérêt général priment sur la souveraineté des États africains. L´Afrique doit avoir le courage de prendre son destin en main. Mes aînés panafricains comme Thomas Sankara et d´autres l´ont dit avant moi mais nous continuons toujours à faire la sourde oreille. L´élite africaine qu´elle soit technocrate ou politique aime faire des déclarations et des discours de qualité mais une fois au pouvoir elle retourne complètement sa veste pour montrer un autre visage.
Certains experts africains dénoncent le franc CFA comme étant une arnaque ou un instrument de domination et appellent à la création d’une autre monnaie africaine, que pensez-vous de cela ?
Je ne suis pas un expert financier et je n´ai rien aussi contre la France. Par contre, je peux dire que le franc CFA est une propriété de la France pour contrôler l´économie francophone africaine. C´est une monnaie pour nous maintenir dans la pauvreté et la soumission totale. Comme vous le savez le franc CFA a été créé par le Général de Gaulle le 25 décembre 1945 selon l´article 3 du décret 45-0136. C´est la France qui décide, qui entre ou qui sort de la zone CFA.  Pire, toutes les banques centrales de l´Afrique francophone que ce soit la BCEAO, la BEAC ou la BCC sont toutes sous tutelle française. On ne peut pas faire émerger une nation si on n’est pas indépendant monétairement. Pourtant la France qui contrôle nos pays monétairement a abandonné son franc français au détriment de l´euro pour son intérêt. Alors pourquoi pas une monnaie africaine commune? C´est dans cette logique que j´encourage l´initiative du Burundi, du Kenya, de l´Ouganda, de la Tanzanie et du Rwanda de vouloir mettre en place une Banque centrale est-africaine pour la création future d´une monnaie unique sur le modèle de l´Union européenne. C´est une initiative à suivre à l´échelle continentale. Je suis pour la création d´une monnaie commune africaine mais je pense qu´il faut d´abord laisser les experts financiers africains faire une étude sur la question.  Ils sont mieux placés que moi sur cette question.
Qu’est ce que vous pensez de l’évasion fiscale massive ou des fuites de capitaux dont est victime l´Afrique en général et le Sénégal en particulier ?
La fuite des capitaux et l´évasion fiscale sont l´une des causes de la souffrance des populations africaines et des inégalités sociales dans le monde. Cette injustice sociale a permis à certaines personnes de s´enrichir sur le dos des pauvres. Personnellement, j´étais très choqué de voir au Forum de Davos 2014 des riches débourser la somme de 400.000 euros soit 262.400.000 FCFA rien que pour le ticket d´entrée alors que quelque part dans le monde ce sont de milliers d´enfants qui meurent de faim ou qui souffrent de malnutrition. Et le Sénégal n´y échappe pas aussi. Ce sont des sommes colossales qui quittent chaque année l´Afrique à destination des pays les plus nantis. Ces montants détournés annuellement, s´ils étaient convenablement enregistrés et taxés dans nos pays respectifs, pourraient évidemment, non seulement rembourser la dette extérieure du continent, mais aussi lutter contre la pauvreté et œuvrer pour le développement des infrastructures ou des projets. La fuite illicite des capitaux supprime les investissements, réduit la perception des taxes, aggrave les différences de revenus, fausse la compétition et draine les réserves de monnaie. Cependant, la fuite des capitaux ou l´évasion fiscale relève des lacunes des législations fiscales africaines et du manque de transparence au niveau national et international. Il n´y a pas de fuite de capitaux sans complicité. Il s´agit ici de la complicité des banques occidentales, de l´entreprise étrangère qui offre le pot-de-vin et du fonctionnaire qui l´accepte. Il incombe maintenant à l´Afrique et à notre pays de mettre en place un système efficace d´échanges et des mécanismes contre l´évasion fiscale et le vol. Cela doit être une priorité vitale pour  l´Afrique. Les gouvernements africains doivent prendre des mesures fermes pour lutter contre ce fléau qui ruine la compétitivité de nos économies et qui menace la cohésion sociale.  
Un dernier mot à vos futurs lecteurs ?
J´espére que les lecteurs prendront autant de plaisirs à lire mon ouvrage. Je leur prie d´acheter mon livre pour soutenir des projets humanitaires en Afrique. Je leur souhaite aussi une bonne lecture. Le livre sera mis en vente á partir du 20 mars 2014 sur la librairie en ligne d´Edilivre.com, sur les principaux libraires internet (Amazon, Fnac.com et Chapitre.com) et auprés de 3.000 librairies et 10.000 points de vente via le réseau Dilicom. Plus bas ici, la couverture du livre. Sur la carte on voit l´Afrique pleurer, abandonnée par ses enfants et exploitée par les multinationales avec la complicité des élites politiques africaines et les institutions financières internationales. Le vert, le jaune, le rouge et l´étoile symbolisent les couleurs du Sénégal.

 Interview réalisée par Abd El Kader Niang via Africpost 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

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