mardi 23 décembre 2014

Afrique: « L´émergence probable de certains pays » un épicentre de détresse des citoyens africains ? Par Souleymane SOKOME

 
 
guineens-luanda
 
Depuis quelques années, certains pays africains (Angola, Guinée-Equatoriale, Gabon, Afrique du Sud, Nigeria, Ghana, Maurice, Botswana, Maroc, Zambie, Mozambique) se trouvent au cœur des enjeux mondiaux grâce notamment á ses abondantes ressources miniéres (Platine, Or, diamants, cuivre, fer, uranium) et pétrolières. Ces pays sont convoités au niveau international en attirant l´appétit grandissant des grandes puissances industrielles ainsi que des pays émergents comme la Chine, l´Inde, le Japon, la Turquie ou la Russie.
La croissance économique de ces pays s´est considérablement essoufflée en oscillant entre 8 et 12%. L´émergence probable de certains pays africains plus nantis que d´autres grâce á leurs ressources naturelles, constituent un refuge pour beaucoup de jeunes africains á la recherche des lendemains meilleurs. Cette croissance économique constante ainsi que le maintien de la stabilité dans des pays comme : Afrique du Sud, Gabon, Mozambique ou Angola avec notamment l´arrivée des multinationales internationales poussent les citoyens africains á tenter leur chance.
Par exemple en Angola depuis la fin de la guerre civile en 2002, on note un nombre important d´étrangers : Congolais, Sénégalais, Maliens, Guinéens, Mauritaniens, Camerounais, Chinois, Brésiliens, Portugais etc… L´Angola est l´une des destinations préférées de milliers d´africains fuyant les conditions difficiles ou tristes réalités de mal gouvernance ou autres de leurs pays d´origine. Beaucoup de candidats africains á l´immigration á la recherche du bien-être se dirigent en Angola, Afrique du Sud, au Mozambique, Maroc, Gabon, en Côte d´ivoire, Zambie ou en Guinée-Equatoriale.
Cependant contrairement aux pays occidentaux nantis dont les droits des immigrés sont respectés dans une certaine mesure, on note un cynisme et une arrogance des pays africains plus riches que les autres. Brutalité, expulsion, rafle, arrestation arbitraire, xénophobie, violence grave des droits de l´homme suivie de meurtres ou tortures c´est la triste réalité réservée aux citoyens africains qui considérent ces pays riches africains comme un Eldorado.
La grandeur de la xénophobie envers les migrants africains en Afrique par les africains eux-mêmes dépasse de loin celle des africains en Europe ou ailleurs dans le monde.
L´ancien Président sénégalais, Abdoulaye Wade, disait en 2001 « un africain subit en Afrique ce qu´un Noir ne subit pas en Europe en faisant référence á l´époque de la situation des Burkinabés en Côte-d´Ivoire. Wade invitait ainsi les africains á balayer devant leur porte lors de l´ouverture le 22 janvier 2001 á Dakar d´un forum sur le racisme, la xénophobie et l´intolérance. Pourtant l´histoire lui donne raison même s´il a été incompris en tenant de tels propos.
Faisons le tour du continent pour justifier les propos de Wade.
En Afrique du Sud, la xénophobie meurtriére envers des africains avait secoué tout le pays en 2010. Des incidents ont été signalés á Durban, au Kwazulu-Natal, sur la côte Est du pays, ainsi que dans la région du Cap, au sud-ouest, et dans le Mpumalanga et le Limpopo au nord. Sept des neufs provinces du pays avaient été le théâtre de violences entre autochtones et étrangers africains. De nos jours, les agressions xénophobes sont devenues fréquentes en Afrique du Sud. D´après le centre africain pour les migrations et la société, 140 étrangers ont été tués en 2012 et trois seraient victimes de meurtres chaque semaine en moyenne. Cette violence d´une ampleur sans précédent vise majoritairement les étrangers africains (Congolais, Mozambicains, Zimbabwéens).
En Angola, selon un rapport de l´Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), plus de 50.000 citoyens africains croupissent dans les prisons angolaises sans aucune assistance juridique ou financiére. La lutte serrée contre l´immigration illégale ou légale a engendré des assassinats, des tortures, des violations graves des droits de l´homme. Des citoyens africains sont criminalisés, expulsés, assassinés par des bandits sans aucune enquête judiciaire. D´autres sont arrêtés, rançonnés ou emprisonnés par la police angolaise. C´est la chasse aux étrangers (Guinéens, Congolais, Sénégalais, Congolais de Brazzaville, Bissau-guinéens, Rwandais, Centrafricains, Tchadiens, Maliens, Sierra-léonais, Soudanais, Mauritaniens, Ivoiriens, Camerounais, etc..).
En 2013, 42.000 Congolais ont été expulsés de l´Angola. Beaucoup de Congolais et d´autres africains sont morts en cours de route soit par accident soit de maladie faute de traitement humain. Une vidéo en date récente montrant l´extrême violence de la police angolaise sur les immigrés africains avait fait le tour des réseaux sociaux. Le Service angolais de Migration et des Étrangers (SME) a expulsé, en janvier et février 2011, 500.000 étrangers en situation irrégulière souvent même réguliére. Cette opération aurait bénéficié de la collaboration des populations locales qui dénoncent les étrangers. Selon l´organisation de défense et de protection des droits humains Human Rights Watch (HRW) depuis 2003, les autorités angolaises n’ont cessé de déployer des efforts pour expulser les migrants, dont la plupart sont des ressortissants africains, au nom de la protection de la sécurité nationale contre une « invasion silencieuse ». Les expulsions annuelles de dizaines de milliers de migrants se sont étendues progressivement des zones diamantifères de l’Est de l’Angola aux zones frontaliéres du nord, telles que la province de Zaïre et l’enclave de Cabinda, ainsi qu’aux marchés informels et aux zones urbaines résidentielles de ces régions et d’ailleurs. Les expulsions sont menées dans le cadre d’une action coordonnée á laquelle participent la plupart des branches des forces de sécurité angolaises et, de plus en plus, des centres de détention temporaire sont utilisés exclusivement pour les migrants africains.
Les exactions les plus graves rapportées par des migrants expulsés, concernent les violences sexuelles, les actes de torture et les traitements inhumains, qui se sont produites dans des centres de détention se trouvant sous le contrôle du Ministére angolais de l’Intérieur, et sont perpétrées réguliérement par un large éventail des différentes forces de sécurité angolaises, á savoir des agents de la Police d’intervention rapide (PIR), des membres de la police des frontiéres (PGF), des gardiens de prison, ainsi que des membres des Forces armées angolaises (FAA) et des fonctionnaires de l’immigration (SME).
Les agences et rapporteurs spéciaux des Nations Unies, les organisations non gouvernementales locales et internationales, ainsi que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, présentent des allégations crédibles de violations graves des droits humains commises lors d’expulsions collectives d’Angola de migrants africains en situation irréguliére, notamment des actes de torture et des traitements inhumains, des vols et des violences sexuelles. Le slogan de la police angolaise est la suivante  « SI VOUS REVENEZ, ON VOUS TUE ».
Au Gabon où beaucoup d´africains espèrent trouver des conditions de vie meilleures que chez eux, sont aussi victimes des agressions racistes et xénophobes. En 2013, l´armée gabonaise avait kidnappé des ressortissants camerounais avant d´être sauvagement battus et torturés. La population gabonaise pille souvent les boutiques des commerçants ouest-africains. Un titre de séjour coûte au Gabon plus de 300.000fcfa. Comparé á l´Allemagne, le titre de séjour est gratuit pour certains et au cas contraire il ne coûte que 50 euros (32.000fcfa).
En Guinée-Equatoriale, les immigrés africains vivent le calvaire au quotidien. Les autorités équato-guinéennes avaient même récemment fermé la frontiére avec le Gabon et le Cameroun opposant au projet de libre circulation des personnes en Afrique centrale. La xénophobie ne cesse de prendre une ampleur. Les principales cibles sont les ressortissants du Mali, du Tchad, du Ghana, du Sénégal et du Cameroun.
Au Maroc, c´est la vague de violences xénophobes qui sévit depuis des années. La discrimination, le racisme et l’homophobie envers les africains ont causé plusieurs morts avec tout récemment l´assassinat de l´étudiant sénégalais Charles Paul Ndour suite á un accrochage entre habitants d´un quartier de la ville et candidats á l´émigration clandestine.
Pourtant, les constitutions de la plupart des pays cités garantissent tous les droits et libertés fondamentaux et consacrent le principe d’égalité et de non-discrimination. Ces constitutions disposent que « les normes constitutionnelles et légales relatives aux droits fondamentaux devront être interprétées et appliquées en harmonie avec la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et les traités internationaux dans ce domaine ratifiés par ces pays ». Ironie du sort il y a aucun respect de ces constitutions qui sont bien rédigées et rangées dans les tiroirs.
Pour répondre á la question du titre de l´analyse on peut dire que l´émergence probable de certains pays africains constitue un énorme danger pour les citoyens africains. Plus qu´un pays émerge plus que c´est le mépris et le sentiment de supériorité envers d´autres africains plus pauvres. Tant que les africains n´aiment pas leurs propres fréres africains le bonheur et la prospérité ne seraient que des illusions utopiques. La discrimination et la haine des africains entre eux nuisent gravement á l´évolution du continent. Les traitements inhumains des migrants africains sont perpétrés á longueur de journée dans plusieurs pays africains qui se croient supérieurs á d´autres pays du continent.
Certes, chaque Etat est libre de définir ses régles juridiques en matiére d´immigration mais les Etats ne doivent pas aussi ignorer le droit international de la migration comme un élément essentiel de son canevas général de la gestion des migrations. Les humains ont des droits au-delá même des frontiéres. Ceci dit, il incombe aux pays d´accueil de prendre des mesures nécessaires pour que les migrants soient protégés de toute violation des droits humains.
Alors que les citoyens des pays membres de l´Union européennes bénéficient de la libre circulation des personnes, des biens, des travailleurs, des services et des capitaux dans le traité de Lisbonne en date du 13 décembre 2007, les pays africains continuent á humilier, rejeter, persécuter et discriminer leurs propres fréres. Á quoi sert l´Union Africaine ?
 
 
 
Souleymane Sokome
Consultant Juridique et Politique á Berlin
 

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