Le Sénateur Ahmed
Bachir Kounta, journaliste de métier, personnalité religieuse, homme d’une
grande érudition et culture, est venu visiter le nouveau groupe de presse GMC
et rappeler aux journalistes de la radio Top FM Horizon que le métier se forge
dans l’humilité. Devant ses jeunes confrères, le Saint-Louisien du quartier Sud
(Lodo) a narré ses aventures professionnelles sous Senghor, Diouf, Wade et
Macky Sall, dont il a été et reste le l’interprète convoité des discours
solennels à la nation. Il s’est également souvenu qu’il a d’abord commencé sa
carrière de journaliste en tant que reporter sportif, livrant une analyse pertinente
sur les rencontres du Sénégal face à la Tunisie. L’interview a eu lieu à
quelques heures du match retour Tunisie Sénégal à Monastir
Son analyse du match aller « Au
match aller c’était clair. Dès le coup d’envoi, j’avais dit que la Tunisie
était venue pour un match nul. Elle avait fermé le jeu. Les Sénégalais
évidemment n’ont pas été intelligents. Il fallait ouvrir le jeu, non pas sur
l’axe central, mais en mettant l’accent sur les ailes et faire en sorte que le
bloc tunisien se disloque.
Pensez-vous que Giresse,
l’actuel entraineur national, a intérêt à écouter le reporter sportif de
l’ORTS que vous avez été dès les Jeux de l’Amitié de 1963?
Cet entraineur-là (NDLR : Giresse) ne me dit rien du
tout. Il n’est pas à la hauteur. Il ne se prend pas lui-même au sérieux. Les
choses étaient tellement claires au match allé qu’à mon avis, il fallait
procéder à un changement, ce qui aurait certainement dérouté les Tunisiens.
Parce que ceux qui étaient considérés comme des gens redoutables étaient étroitement
surveillés. Confiés à des bergers, ils n’avaient aucune chance d’évoluer à leur
aise.
Pensez-vous qu’on doit
changer l’entraineur ou changer la tactique de l’entraineur ?
Moi, je suis pour un entraineur national. L’Afrique n’est
même pas en mesure de gérer son propre football, son sport à ce jour
encore! Mais l’Afrique n’a qu’à rendre son indépendance ! C’est tout !
Quand je vois dans la main courante des expatriés qui sont là, grassement payés,
pour le football, je me demande dans quelle Afrique nous sommes ? Nous ne
sommes pas capables de gérer notre football. L’Afrique n’est pas indépendante.
Et à quel entraineur
national pensez-vous parmi nos entraineurs locaux?
On prendrait n’importe quel entraineur national local, on lui
confierait la charge, mais aussitôt on ne se mettrait à lui barrer la route, à
lui mettre des bâtons dans les roues.
Les Sénégalais aussi sont bizarres… Quand on choisit un entraineur local,
qu’on lui paie trois-quatre millions, tout le monde s’élève contre. Alors que
lorsqu’on prend un expatrié et qu’on lui paie plus de dix millions, personne ne
dit rien du tout. Mais c’est quoi ça ? Moi, j’opte pour un entraineur
national. Parce qu’au fond ces expatriés ne sont pas des entraineurs. Les
véritables entraineurs sont les ceux des clubs internationaux où nos joueurs
évoluent. Ici, ils ne sont des sélectionneurs qu’au dernier moment.
Selon vous, la
malédiction de l’entraineur national du Sénégal, c’est que personne ne lui fait
confiance lorsqu’il est local ?
On peut même lui faire confiance. Ceux qui s’élèvent contre
la nomination de tel ou tel entraineur, c’est peut-être parce qu’ils sont
conscients de la valeur de cet entraineur. C’est purement de la jalousie et de
la méchanceté. Je ne veux pas voir un
tel gagner trois millions, quatre millions et je le descends en flammes. C’est
de la méchanceté crasse.
Ce type de
comportement, c’est typiquement africain ?
En tout cas chez moi (NDLR : en Afrique), je sais que ça
existe. Notre entraîneur feu Pape Diop, qui fût un bon entraineur, nous a valu tous
les bons résultats que nous avons eus au plan international. Mais à l’époque, lorsqu’on
lui avait attribué un salaire de cinq cent mille francs, c’était la guerre. Les
gens voulaient coûte que coûte l’éliminer et prendre un expatrié à la place.
Ils ont réussi à le faire et c’est bien malheureux.
Le véritable frein au
développement des Africains, ce sont les Africains eux-mêmes et pas une main
étrangère ?
Oui, il y a une part de responsabilité des Africains
eux-mêmes, c’est sûr. C’était quoi le combat de Cheikh Anta Diop ? C’était
la conscience historique, la conscientisation de l’homme noir. Quand on a
oublié d’où l’on vient, on ne sait plus où l’on va … Je le répète, c’est
une question de conscience historique.
Quelle est la part de
responsabilité des autorités actuelles dans cette conscientisation?
C’est d’abord une question de responsabilité individuelle,
personnelle. Que chacun cherche d’abord se connaître, c’était le combat de
Cheikh Anta.
Propos recueillis par
Sandra Bassabame (journaliste Top Fm Horizon)
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